mardi 18 octobre 2011

Prends ton grabat !

Nous connaissons bien ce miracle, raconté au neuvième chapitre de saint Matthieu : la guérison du paralytique.

Nous savons que cette guérison physique figure et manifeste ou démontre une autre guérison : la guérison spirituelle. « Pour que vous sachiez que le Fils de l’Homme a sur la terre le pouvoir de remettre les péchés, alors il dit au paralytique : Lève-toi, prends ton grabat et va dans ta maison ». Il venait de lui déclarer : « tes péchés sont pardonnés ». Mais, en dehors de Dieu, qui peut savoir si les péchés de l’homme sont pardonnés ? Jésus manifeste son pouvoir surhumain, son pouvoir sur la maladie des corps pour mieux montrer son pouvoir sur la maladie des âmes, qui est le péché.

Ce pouvoir est spirituel ? Il est surnaturel ? N’empêche : il se manifeste « sur la terre » ; c’est « le Fils de l’Homme » qui le détient. Bientôt d’ailleurs il le transmettra à ses apôtres. Comment ? Le premier jour, après sa résurrection – c’était le soir – il leur dit, en soufflant sur eux : « recevez le Saint Esprit. Les péchés seront pardonnés à ceux à qui vous les pardonnerez. Ils seront retenus à ceux à qui vous les retiendrez » (Jean, 21).

C’est ce Pouvoir sacré que nous pouvons contempler, dans le grec du texte originel : ex-ousia, ce qui dépasse la substance. Où entend-on parler de ce pouvoir ? A la fin du Prologue de l’Evangile de saint Jean, que vous écoutez à chaque messe. Saint Jean s’exprime ainsi : « A tous ceux qui l’ont reçu, le Verbe a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu ». tel est le pouvoir fondamental, le pouvoir universel, le mieux partagé de nos pouvoir : devenir enfants de Dieu. C’est un pouvoir qui ne vient pas de nous, qui ne vient pas de notre nature. Cette vie nouvelle est étrangère à notre sol comme dit Jean Chrysostome. C’est un élan, c’est un souffle qui nous est donné.

Il me semble que ce pouvoir nouveau, dans cette scène de Capharnaum, il est aussi conféré comme une force physique de surcroît : « prends ton grabat ». D’emblée Jésus invite le paralytique, jusque là dépendant de ses amis et de ses relations, à se prendre en charge lui-même, à prendre en charge ses propres capacités pour faire le Bien, à prendre en charge son entretien personnel, son lit, sa vie telle qu’elle se présente.

Prends ton grabat ! Jette tes soucis dans le Seigneur et lui-même te nourrira.
Prends ton grabat ! Exerce cette liberté que tu as reçue de Dieu, exerce la comme quelque chose dont tu es responsable.

Prends ton grabat ! Assume ton passé, les mauvaises habitudes dont tu peines à te débarrasser, les étroitesses de ton esprit, les manques de générosité de ton cœur. Manifeste ta force. Montre que tu as reçu la grâce de Dieu comme une puissance (potestas dit le texte latin pour traduire l’exousia grec). Montre que ta volonté est formée et que tu es prêt à tout emporter. Montre quelle force nouvelle te remplit.

Mais au fait, quelle est cette force nouvelle dans le paralytique, quelle est cette énergie à laquelle Jésus fait appel ? La volonté. La grâce. Une seule et même énergie. Quiconque s’est laissé guérir par le Christ possède, comme marque indubitable de sa guérison, on pourrait presque dire comme signe d’élection, une volonté ardente et qui ne demande qu’à servir. Il lui faut juste accepter de « prendre son grabat ». Ne l’oublions pas aux pieds du Christ. Le porter jusqu’à notre Maison, c’est se donner l’occasion de montrer que la Puissance par laquelle nous avons été guérie et pardonnée par un autre que nous se manifeste aussi en nous et pour nous.

J’aime beaucoup ce verset du Psaume qui définit la puissance de l’enfant de Dieu : « Agis avec virilité et ton cœur sera converti ». Agis d’abord pour que se manifeste la force de ton cœur.

4 commentaires:

  1. "Prends ton grabat", "manifeste ta force", d'accord! Mais, pour manifester sa force, encore faut-il en avoir de reste. Or notre société est grabataire de l'âme.

    J'ai longtemps aimé cet evangile parce que je le lisais comme l'Evangile où se manifestait la foi des couvreurs, qui descendent un homme par le toit, animés moins d'une Foi conceptuelle que d'une force physique en matière de foi.

    Mais, dans cette société grabataire de l'âme, j'ai la faiblesse de croire que ces ouvriers sont... les psychologues ou assimilés.

    La foi n'est pas une morale, mais elle doit investir la psychologie pour réveiller les grabataires de l'âme que nous sommes à la virilité du relèvement, qui ne saurait précéder la conversion tant que l'âme est paralysée.

    "Assume ton passé", mais pas tout seul! Notre société étant grabataire de l'âme, il ne faudrait pas que le christianisme préfère, quoi qu'il dise, se réfugier dans le moralisme pour mieux faire assaut d'antipsychiatrie ou d'antipsychologisme.

    Je ne crois pas du tout à la psychiatrie sociale exercée par mgr tony anatrella, mais je crois que notre société, pour être dans l'état commateux où fut la société soviétique avant son écroulement par une révolution qui la réveilla pour quelque temps, je crois que notre société compte en son sein beaucoup de malades psychiques dont moi-même, peut-être, 1 % de schizophrènes affirme l'OMS.

    Bien sûr, il est fort possible que cette Organisation gonfle le chiffre pour mieux maintenir le monde dans sa léthargie. Elle ne pourrait pourtant pas le faire si le constat ne reposait sur quelque réalité. Et, dans cet état grabataire où sont les âmes de nos êtres sociaux, je soutiens que les couvreurs de l'evangile sont les psychologues, les psychanalystes, les psychiatres et les prêtres, s'ils veulent bien ne pas négliger cette dimension psychologique, eux qui ne parlent plus le langage animiste, pourvu que les uns et les autres, selon les défauts de chacun, n'encouragent pas le troupeau à bêler dans un quiétisme attentiste, ou ne caressent pas les grabataires dans le sens des escarhes, ne favorisent pas le ressassement ou l'accusation constamment instruite contre les parents.

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  2. Merci monsieur l'abbé d'apporter la bonne nouvelle et de fustiger en nous la tendance à mendier l'assistance. Que l'on croie ou non à la réalité des miracles du Christ, on peut toujours profiter de la saine énergie du souffle évangélique.
    Debout là dedans!
    Gérard

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  3. Merci Monsieur l'Abbé pour ces mots qui touchent le cœur et l'âme.

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  4. et comment après être née dans le monde, après avoir été configurée à être le centre du monde, après avoir eu la révélation de son état de créature en même temps que la beauté du Créateur, après avoir demandé, patienté, mendié, oui, mendié la Grâce comment alors qu'aucune volonté ne se forme, qu'aucune force ne se manifeste, comment continuer ?
    Comment continuer quand les habitudes, les sales habitudes restent souveraines dans votre coeur, malgré tout le vouloir, qu'elles vous maintiennent entravée dans le péché, dans la misère du Monde ?
    Comment continuer quand la Foi se résume à voir la Lumière au loin sans vraiment s'en approcher et que finalement elle rend encore plus palpables, plus réelles les ténèbres dans lesquelles on souffre ?
    Et puis comment agir avec virilité lorsqu'on est avant tout une femme, une mère?

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