samedi 28 mai 2011

La Palme d'or? mais c'est catho! - Trois réactions

L'article de l'abbé de Tanoüarn a suscité divers commentaires - en voici trois:

Denis Sureau:
... je suis allé voir ce film déroutant hier soir et, en sortant de la salle, j'ai dit à mon épouse : c'est un film catholique. Je partage votre perception, bien que ne connaissant rien de Malick. On est dans un univers catholique : l'émerveillement, la présence de Dieu jusque dans ce brin d'herbe ou le sourire d'un enfant, le péché pardonné, la tristesse dépassée... Décidément, après le non moins catholique film Des hommes et des dieux, le cinéma nous réserve bien d'heureuses surprises.
Jean-Pierre Maugendre
... je suis allé, comme Denis Sureau, voir "The tree of life" hier soir avec un de mes fils. Il s'agit d'un film difficile marqué, à mon sens, par deux éléments essentiels: la beauté et la grâce qui se présentent comme deux réalités complémentaires.Beauté de la nature dans des images époustouflantes et grâces de la souffrance acceptée (Jessica Castain) et du pardon demandé et accordé.Nous ne sommes pas dans le registre Mad Max ou Le Seigneur des anneaux. Faudrait-il s'en plaindre? ...
Laurent Dandrieu
... deux remarques sur ce film que je viens de revoir ce soir, avec un éblouissement renouvelé : l'une, anecdotique, sur l'église, que vous voyez surchargée de statues, où je remarque moi surtout que les vitraux ne représentent qu'une seule et même figure : le Christ. Pas de saints, pas de Vierge. Ce qui me fait bien penser à une église protestante.

Mais il y a le prêche du ministre, long commentaire de Job, qui bat en brêche cette idée, chère aux protestants américains, que si le mal vous frappe, c'est que vous l'avez mérité. Contre quoi le prêtre, qui du coup semble bien catholique, rappelle que le mal frappe le juste comme l'injuste, le méchant comme le bon, et que du coup on ne peut pas s'abriter derrière sa bonté, et donc pas derrière ses propres forces, pour s'en protéger : démenti cruel apporté au père de famille, qui ne l'entend et ne compte que sur ses propres forces, quand il devrait savoir ne trouver refuge qu'en la grâce et qu'en l'éternité...

Ah, une troisième remarque encore sur ce film tellement riche que j'ai le sentiment, dans l'article que j'ai dû publier après ne l'avoir vu qu'une fois, d'en avoir négligé la quasi totalité : vous parlez de plans de contre-plongée, qui nous plaquent au sol : la contre-plongée, récurrente en effet chez Malick, du bas vers le haut, nous ouvre au contraire vers le ciel, vers notre dimension verticale, comme dans cette scène sublime et toute simple où la mère, tenant son fils aîné qu’elle fait virevolter dans ses bras, lui indique le ciel en disant : « C’es là-bas que Dieu vit ». Pour Malick, Dieu vit partout, et c’est pourquoi il en cherche les traces dans les moindres recoins de la Création, de l’infiniment petit à l’infiniment grand. Mais il vit surtout dans notre temps, pour peu qu’on sache le peser à son juste poids d’éternité, et c’est pourquoi aussi Malick, comme Vermeer, s’acharne à capter les instants les plus banals avec une intensité telle qu’il nous fasse sentir leur dimension éternelle, et donc divine. Comme tous les grands artistes (mais ils ne sont pas si nombreux), Malick est l’historiographe de Dieu en ses œuvres.

4 commentaires:

  1. C'est vraiment un plaîsir de lîre une telle qualité de critîque cinématographique, sur le Métablog. J'en parle d'autant plus aisément, que j'ai cessé d'aller au cinéma, depuis fort longtemps, par lassitude, je crois, gardant seulement le souvenîr de quelques films "chefs-d'oeuvres absolus" de Satyajit Ray, Eisenstein, Abel Gance,Kurosawa, Ingmar Bergman et quelques autres.

    Le goût d'y retourner va peut-être me revenir? J'en doute, d'aîlleurs, "Des Hommes et des Dieux" ne m'a rien dit et les déclarations du réalisateur, ne me l'ont pas fait regretter. Malgré la beauté des îmages, tant vantée, je craîgnais une certaîne forme d'imposture. Cela n'engage que moi, bien sûr! C'est peut-être un chef-d'oeuvre, comme celui de Mel Gibson, pas allé voir non plus! ça ne me dîsait rien, ne me demandez pas pourquoi! Je ne manque quand même pas une seule chronique cinéma, sur le Métablog! Mais pas un bon client d'Hollywood!

    RépondreSupprimer
  2. Bonjour Thierry,
    Je suis allée voir Des Dieux et des Hommes que j'ai beaucoup aimé MALGRÉ Xavier Beauvois, bien décevant en effet lors de la remise du prix.
    Mais vous aimerez certainement le magnifique documentaire : "Le testament de Tibhirine" qui, lui, est la VRAIE histoire de ces moines, avec images et films des personnes réelles, des véritables lieux et des témoins qui les entouraient. REMARQUABLE d'autant plus que par ce film, on arrive à saisir le sens profond et authentique de leur sacrifice.
    Vraiment, on a là la vérité. Film de Emmanuel Audrain en DVD.avec des compléments passionnants.(éditions Montparnasse)

    RépondreSupprimer
  3. @ Comme c'est aîmable à vous, cher(e) Anonyme de 15h13,

    d'avoîr pris la peîne de me faîre part de ce documentaîre, que je note précieusement.

    Pour vous en remercier vîvement, et si vous ne le connaissez déjà, voici la référence d'un lîvre qui concerne directement notre sujet et dont presque personne ne parle. Cela vous expliquera également pourquoi je suis de plus en plus rétîcent à m'extasier devant les belles îmages.

    Que d'enjeux masqués, dans cette affaîre de Tibhirîne, que de désinformation. Un journaliste l'a payé de sa vie. En avez-vous entendu parler? Je vous joins un copié-collé de la présentation du livre.

    Bien à vous,


    Victime d’une campagne calomnieuse sans précédent, en février 2004, le grand reporter Didier Contant fait une chute mortelle d’un immeuble parisien alors qu’il s’apprêtait à publier son enquête sur la mort des moines de Tibhirine en Algérie en 1996. Les résultats d’un long travail d’investigation sur le terrain à Blida par l’ancien rédacteur en chef de l’agence Gamma confirment que les moines ont été enlevés et assassinés par le GIA (Groupe Islamiste Armé).

    Mais à Paris, des confrères affirment auprès des rédactions parisiennes que Didier Contant travaillait pour les services français et algériens dans le cadre de son enquête sur les moines, déconseillant toute publication de son investigation. Ces lobbies, composés de journalistes, d’éditeurs, d’avocats et d’organisations de droits de l’homme, brandissent le témoignage d’un sous-officier transfuge de l’armée algérienne, tendant à prouver l’implication de l’armée dans le rapt des moines. Didier Contant vivait cette campagne calomnieuse comme une catastrophe professionnelle ; dépossédé de son honneur, de sa dignité et de la capacité de gagner sa vie, il ne put l’accepter.

    Rina Sherman livre un témoignage saisissant sur la mort de son compagnon, Didier Contant. Pour rendre hommage à l’homme qu’elle a aimé, elle raconte avec brio leur grande histoire d’amour et la tragédie qu’ils ont vécues. Son récit se lit comme un roman, comme un thriller, dans lequel suspense, investigation et combat se confondent dans une réflexion essentielle : il ne faut pas se taire afin que soit respecté l'un des droits fondamentaux de l’homme, la liberté d’expression.

    Exilée d’Afrique du Sud en 1984, Rina Sherman, cinéaste et anthropologue, a fait ses études avec Jean Rouch avant d’effectuer une étude ethnographique sur les Ovahimba en Namibie et en Angola. Elle vit à Paris.

    Le huitième mort de Tibhirine, Rina Sherman, 2007, Editions Tatamis

    RépondreSupprimer
  4. Bonjour Thierry,
    C'est effrayant, en effet!
    Je vais le lire.
    Quant au documentaire dont je vous parlais, il ne contredit pas cette thèse mais il apporte des infos qu'on n'a pas dans le film "Des Hommes et des Dieux" et on comprend mieux le cheminement des moines , de Christian en particulier. C'est très profond.
    Merci.

    RépondreSupprimer