vendredi 23 juillet 2010

L'amour et le péché originel

Sujet inépuisable que me suggère l'âne onyme... On connaît la Genèse : "Ils virent qu'ils étaient nus". Nos premiers ancêtres, après le Péché, se confectionnèrent à la hâte des vêtements de feuille de figuier et Dieu ratifia cette première pudeur en leur offrant des vêtement de peau de bête, avant de les chasser du paradis terrestre.

Attention à une première ambiguïté : ce qui naît au Jardin, ce n'est pas l'instinct sexuel. Nos premiers parents étaient ce que nous sommes... Leur nature est la même que la nôtre. Nous sommes pétris du même argile.

Ce qui naît au Jardin, c'est la honte. Lorsque Adam et Ève vivaient avec Dieu, ils étaient parfaitement maîtres de leur corps et de leur imagination. Cette maîtrise d'eux-mêmes, qui leur permettait d'ignorer la honte, c'est ce que les théologiens appellent le don préter-naturel de "justice originelle". En eux, par leur proximité avec Dieu, avec lequel ils s'entretenaient amicalement à la brise du soir, tout se trouvait parfaitement en ordre, les passions obéissant à la raison. Lorsqu'ils se brouillent avec Dieu, en voulant par eux-mêmes devenir comme lui ("Si vous mangez du fruit de l'arbre vous serez comme Dieu connaissant le bien et le mal"), ce bel ordre intérieur est perdu. Leurs passions se lâchent et contamineront toutes leurs décisions et tous leurs choix.

Le péché originel n'est pas je ne sais quel virus qui aurait pénétré tous les actes humains les frappant du sceau du vice, non ! Dieu ne s'est pas vengé des hommes ! Il s'est simplement retiré. Et c'est ce retrait de Dieu qui introduit le désordre, comme c'est la nouvelle proximité que nous pouvons avoir avec lui en Jésus Christ qui contribue à rétablir une harmonie et qui nous permet de retrouver peu ou prou la maîtrise de nous mêmes qui existait au Jardin d'Eden. Dieu ne leur a inoculé aucun virus ! Il se donne, ou il se cache : "Tu es vraiment un Dieu caché, Dieu d'Israël mon sauveur" murmure le prophète Isaïe. Dieu se cache, car il se donne aujourd'hui aux personnes qui le cherchent. Aux personnes ! Pas aux groupes, aux sous groupes et aux chapelles!

Les passions sont lâchées et l'amour, trop souvent est gâché, en nous. Notre capacité d'aimer devient fondamentalement ambigüe après le péché originel.
 
Notre amour devient mimétique (on aime pour faire comme les autres et mieux que les autres : on aime son propre standing et malheur au partenaire qui nous déçoit et qui ne nous offre pas les prestations auxquelles on a droit). Il se fait propriétaire (on aime pour soi, on aime soi, on aime une potiche avec le rôle qu'on lui a laissé par rapport à soi et à ses propres besoins. Malheur à la potiche si elle se réveille et si elle se découvre une vie personnelle quelconque). Il est jaloux (parce qu'on est quand même pas si sûr de soi qu'on ne veut bien l'avouer). Il est envieux (et déserte son objet en oubliant son choix initial). Il peut même se faire cruel, voire vengeur (par une sorte d'effet pervers qui naît de la frustration de tout ce qu'un amour vrai aurait dû nous apporter, mais que l'on n'a jamais vraiment voulu connaître et que l'on n'a pas pris les moyens de connaître). Et - peut-être est-ce la pire issue ? - il s'ennuie (parce que ce qui l'animait était la conquête et la prédation et qu'une fois conquis, acquis, l'objet perd tout intérêt) et finit par cultiver une indifférence polie qui cherche à se créer des limites pour ne pas avoir à subir quelque dommage que ce soit du fait de "l'autre".
Voilà le péché originel dans ses conséquences, qui se nomment parfois elles mêmes "amour".

Le péché originel, déchaînant nos passions, a beaucoup affaibli notre volonté et notre capacité de choix. Quant à l'intelligence, elle n'est pas diminuée en elle-même par le péché originel, comme l'enseigne Pierre Nicolle, mais elle est détournée de son objet par une volonté perverse. Il faut donc, dans la grâce de Dieu, qui peut rétablir en nous l'harmonie perdue, être capable d'un véritable retour sur nous mêmes et d'une vraie réflexion, d'une réflexion froide sur ce qui peut permettre à l'amour de refleurir dans nos âmes désolées par l'amour propre.

Et d'abord bien distinguer l'amour de soi et l'amour propre, comme le fait Rousseau au début du IVème Livre de l'Emile. L'amour de soi est nécessaire pour aimer quelqu'un. Si on s'offre à l'autre on a conscience de ne pas lui offrir un déchet ! Le Christ nous enseigne : "Tu aimeras ton prochain comme tu t'aimes toi-même". Mais une fois cette distinction faite, engager une guerre impitoyable à toutes les formes de l'amour propre : "La fin de tout individu pécheur, dit saint Augustin, c'est lui-même".

Mais quelle fin trouver, si l'on ne peut pas être pour soi-même sa propre fin ? Dieu. Évidemment. Quoi d'autre?

Nous avons fêté sainte Marie Madeleine hier. Dieu - Jésus Christ fils de Dieu - loin de diminuer les affections que nous portons à nos proches les purifie et les rend plus fortes, moins farcies d'amour propre. Comme Dieu préservait Adam et Ève des débordements de la passion et des pudeurs, des peurs qui s'ensuivent toujours, Dieu aujourd'hui est le critère ultime de notre aptitude à l'absolu, à l'inconditionnel, c'est-à-dire à l'amour. Dieu nous tient. Il nous tient dans l'amour que nous voulons déserter par toutes les ruses de notre amour propre. Dieu n'est pas un supplément facultatif de nos amours, Dieu n'est pas seulement la courte prière du soir que nous ajouterions par bonne conscience, c'est-à-dire par amour propre, mais, dans son Absoluité, dans sa Pureté, il est la source la plus profonde, la plus vraie, la condition de toutes nos affections. Leur ressource intarissable. Il est notre élan, toujours renaissant.

14 commentaires:

  1. C'est bien gentil tout ça, mais vous croyez vraiment qu'il y a eu un couple de "premiers hommes"?
    Alors, si tout ça n'est que métaphore, pourquoi suivre des préceptes qui eux aussi ne relèvent que de la littérature, de l'imagination humaine?
    Dieu, si tant est qu'il existe, n'a jamais dit que ce que les hommes ont dit qu'il a dit. Et aussi, est-ce vraiment sérieux de fonder une morale sur la croyance aux histoires de serpents qui parlent?

    "Dieu se cache et ne se révèle qu'à ceux qui le cherchent": traduction: Dieu n'existe que pour ceux qui croient en Dieu.
    CQFD

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  2. Bravo cher Webmestre, l'illustration est superbe! Continuez ainsi s'il-vous-plaît, comme vous y encourageait récemment un Abbé "blogueur" dont le commentaire était fort riche en conseils internétiques.

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  3. Cher Anonyme

    Dieu n'existe pas. IL EST

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  4. La honte, je veux bien, s'il est précisé que c'était ne plus être en "intégrité", en" communion" ni avec soi-même( son intelligence, sa volonté, ses passions, son corps etc ) ni avec l'autre( homme ou femme) ni avec la société (chargée avant même le péché de "cultiver la terre") , ni avec la nature , ni bien sûr avec Dieu ...
    Mais depuis quelques décennies, la honte a "changé": il ne faut plus avoir honte...ni du péché, ni de la nudité, ni du porno, ni de la sensualité débridée, ni des perversions multiples, ni du concubinage, ni de l'homosexualisation industrielle d'Etat, ni de la polygamie( contemporaine ou successive) ni de l'adultère, ni de l'inceste , ni de la zoophilie etc etc ... le naturalisme panthéiste moniste nous a purifiés de tout cela ( malgré quelques cris d'orfraie de la Crapule ...sur quelques cas isolés) : le grand péché c'est le ...sens du péché (je me cantonne au domaine "sexuel"...mais on peut élargir à tous les autres commandements..)...

    J'avais cru comprendre que le péché originel c'était surtout la désobéissance, l'appropriation de la science autonome de ce qui est bien et mal, Dieu ou satan ...
    Je ne savais pas que Dieu s'était "retiré( comme dans la Kabbale pour la création ?), je croyais que c'était l'homme qui L'avait refusé , rejeté et se trouvait alors en proie à la même mort spirituelle que Satan et les anges déchus, avec un Dieu toujours présent et prévenant puisqu'il donnait déjà sa promesse de rédemption ...(la question de la mort physique, naturelle ou pénale, restant à part)
    Je croyais aussi que nous étions membres les uns des autres, membres du Corps mystique du Christ institutionnalisé dans l'Eglise catholique (et donc dans les paroisses, devenues par l'effet de la prétendue "nouvelle pentecôte" une pentecôte dispersante, les groupes et sous groupes auxquels vous faites allusion) , membres de corps sociaux (familles, métiers, nations, régions etc ) soumis au bien commun ( au Bien Commun universel qu'est Dieu, au bien commun particulier à chaque groupe..pour le bien des personnes, cependant ordonnées au bien commun général..sans lui être sacrifiées .... du moment que ce bien commun général est ordonné à la vision béatifique ...)
    Le personnalisme radical de l'AB2T me parait très proche de l'individualisme libéral (c'est confirmé par sa page curieuse sur le "Christ Roi" dans la dernière Respublica Christiana...) ...
    l'amour et l'intelligence pervertis par le péché d'accord..Mais que faites vous de l'immense masse de tous ceux qui, depuis l'avènement du "péché originel historique"( les Révolutions, le divorce, la destruction des familles, métiers, nations etc ) n'ont même plus de simple "amour de soi", estime de base minimale, ruinés par les séparations, les explosions, les perversions, l'étouffement des familles "nucléaires" ( le joli vocable !) quand ce n'est pas l'inceste interne, générationnel ou intergénérationnel ???
    Depuis que Dieu (et l'Eglise) ne s'adresse plus qu'aux personnes privées, et que les corps intermédiaires ont été ruinés sous les coups conjugués du libéralisme et du socialisme, du "communisme de marché" , du mondialisme en germe dans toutes les cellules cancérigènes de feux les corps sociaux, combien de non-personnes, de quasi-personnes, de pseudo-personnes, de simili-personnes ne déambulent-elles pas dans la grisaille anonyme du désert erratique où ne vit ni ne crie plus que la mort spirituelle de masse, bénie par l'Eglise depuis qu'elle a baptisé pratiquement toutes les révolutions et toutes les spiritualités ( sauf sa révolution spirituelle radicale "omnia instaurare in Christo-et sa "spiritualité" propre: la vie en l'Esprit Saint Trinitaire ) ???
    l'âne toujours plus âne et braillard ...

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  5. Notre Webmestre "s'active" (pour notre plus grand bénéfice) et notre ineffable Onyme, lui, se décarcasse...

    Le Père GdT "très proche de l'individualisme libéral": encore faut-il le prouver, mon cher Onyme; avez-vous lu son entretien avec Christophe Saint-Placide (hélas fort peu commenté, alors qu'il le mériterait grandement)?

    P.S. Si on pouvait communiquer par messages privés, sur le blog, ça serait sympa., non?

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  6. Absolument pas, il faut garder une transparence absolue et éviter les dialogues entre "Happy Fews".

    Si l'on dit des choses justes - et qui ne tombent pas sous le coup de la loi - on ne doit pas avoir peur de les dire publiquement, ou alors c'est qu'on a des pensées inavouables juridiquement et moralement et qu'on a honte de les dire en public.

    Il se peut aussi que ce soit des propos comlètement inintéressants.

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  7. @ Anonyme de 23H54

    Votre réflexion m'a fait penser, cher Anonyme, à cette curieuse habitude des Néerlandais, si étrangère à nos moeurs, de ne pas accrocher de rideaux à leurs fenêtres, sous prétexte qu'ils n'ont rien à cacher (ça vient de loin, bien sûr, et de leur religion) et qui rend les promenades si saugrenues: vous vous trouvez tout à coup quasi nez-à-nez, en plein Amsterdam, avec une brave dame en bigoudis, en train de battre son omelette, à moins d'un mètre de vous, qui êtes pourtant sur la chaussée!

    Non! Ma suggestion était bien loin de la moindre idée d'échanger des propos illicites ou "inavouables" (quelle drôle... d'idée!) entre "happy fews" mais plutôt de pouvoir détailler -en temps réel, ce qui n'est pas rien- avec son auteur, tel ou tel aspect ou point soulevé par lui, dans l'un de ses posts, sans alourdir la lecture pour les autres blogueurs, c'était aussi simple que ça et pourquoi non? je vous pose la question (ce qui est pratiqué par des centaines de millions de forumistes, sur des centaines de milliers de sites, à travers la toîle internétique, si vous ne le saviez pas, cher ami).

    Je maintiens donc ma suggestion, tant que vous n'aurez pas produit de raisons plus convaincantes, excellente soirée à vous...vous pouvez imaginer que je vous aurais expliqué tout cela...en "MP" (=message privé) si j'en avais eu le loisir et prie les forumistes, de me pardonner de leur infliger mon argumentaire, sur ce point de détail...CQFD!

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  8. A Monsieur Thierry

    De 2 choses l'une :.

    Ou bien ce que vous dites à un intérêt et il faut en faire profiter le plus grand nombre de gens possible.

    Ou bien vos propos sont inintéressants au possible ; alors gardez les pour vous.

    Salutations distinguées.

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  9. @ Anonyme de 20H24 (et d'hier 21H54)

    Mon cher, je n'ai pas la religion du "plus grand nombre", ni celle du Puritanisme, je réitère donc très amicalement, auprès de notre Webmaster, ma suggestion qu'il envisage les "mp" sur le Métablog, un détail parmi d'autres, susceptible d'augmenter son audience, si cela entre dans ses vues, "of course" (comme on dit sur....RC).

    Ne manquez pas, cher Anonyme, de nous faire part de vos idées, en la matière. Je maintiens que le "mp" est une option, qui a son intérêt, dans un certain nombre de situations et sans en abuser, certes.

    Votre serviteur,

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  10. Mon bon Thierry, et tous les autres:

    Le MetaBlog ne peut offrir que les fonctionnalités prévues par Blogger (= c'est le service de blog qui nous héberge, il dépend de Google). Blogger est tiraillé entre deux tentations, comme tous les produits Google: centrifuge et centripète. Centrifuge: offrir le maximum de fonctionnalités. Centripète: garder le système le plus basique possible, pour ne pas dissuader les computer illiterates.

    Quand on poste un commentaire à un message, sur un blog fourni par Blogger, on le fait de manière anonyme, en choisissant un nom (le sien éventuellement) ou en s'identifiant, par un compte. Plusieurs types de compte sont possibles: le +Compte Google+, le compte +OpenID+, etc.

    Mais qu'est-ce qu'un compte? Si vous n'êtes pas au clair là-dessus, voyez l'exemple sur le Forum Catholique, que connaissent beaucoup de gens ici. Sur le Forum Catholique, pour écrire, vous devez avoir un compte qui sera défini par: un pseudo, un identifiant, un mot de passe, une adresse mail associée. Ce compte "Forum Catholique" sert sur le Forum Catholique. De même, vous avez peut-être un compte "Les Trois Suisses" ou "eBay".

    Le "Compte Google" offre une particularité, c'est que de nombreux services peuvent y être rattachés: blog(s) dont on est l'auteur, statistiques, alertes sur les actualités, etc.

    Le compte "OpenID" offre comme particularité d'être accepté par beaucoup de sites. Par analogie avec les comptes particuliers dont je parlais deux paragraphes plus haut, imaginez que votre compte (pseudo + mot de passe + mail associé) puisse être utilisé aussi bien pour écrire sur le Forum Catholique, pour commander aux Trois Suisses, ou pour vendre sur eBay.

    Quand donc vous postez commentaire suite à un message sur le MetaBlog, si vous le faites de manière anonyme ou en déclarant simplement un nom, on ne peut pas vous joindre, du reste vous ne laissez pas votre adresse mail. Par contre, si vous postez en vous identifiant ("compte Google" ou "OpenID" par exemple), vous pouvez recevoir un "pm" (="private mail"), mais uniquement si vous avez choisi cette option, et si votre interlocuteur est lui-même identifié. Ce qui, avouons-le, limite sérieusement la possibilité.

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  11. Monsieur le WM,

    Vos explications sont bien compliquées pour un non initié aux mystères de l'informatique qui souhaite qu'internet et ses fonctionnalités soient le plus simple possible.

    Ceci dit je voulais, sans faire de polémique déplacée, tout simplement signaler que si l'on a des choses vraiment intéressantes à dire, alors, il faut les faire partager au plus grand nombre d'internautes possible.

    Ceci dit je ne suis client ni des 3 suisses ni d'ebay (est-ce de la publicité clandestine de la part du WM ?) ; je préfère faire travailler les derniers petits commerçants de ma rue auxquels qui je porte ma pratique. Vive la convivialité.

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  12. "est-ce de la publicité clandestine de la part du WM?"

    --> ma foi, il faut bien vivre!

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  13. Magnifique poste que ces deux-ci que vous avez commis sur l'amour, M. l'abbé, dont celui que je commente vous rend définitivement inclassable : du personnalisme intégral à l'individualisme libéral pour vos commentateurs les plus critiques ; pour moi, plus simplement, je discerne en vous un traditionaliste qui a toutes les peines du monde à se retenir de penser moderne, ce qui n'est pas un défaut à mes yeux. Car le traditionalisme est une obsession et le modernisme en est une autre qui, toutes deux, sont indignes de la Parole de Dieu, certes, telle qu'elle nous est transmise, reconstruite par le dogme que la tradition a forgé pour la plus grande intelligence de cette pyramide de foi où nous demeurons avec dieu, quand bien même serions-nous d'invétérés pécheurs, comme je confesse en être un. Il en est parmi mes prédécesseurs au commentaire qui vous reprochent d'avoir fait découler la honte et non l'instinct sexuel du péché originel. C'est pourtant ce qui ressort du récit de la genèse. Il en est d'autres pour s'indigner que vous deveniez kabbaliste à vos heures en semblant reprendre à votre compte l'idée du tsimtsoum, selon laquelle dieu Se serait retiré du colloque à coeur ouvert et comme à bâtons rompus auquel Il Se livrait avec l'homme et la femme "à la brise du soir", expression à laquelle mon plus cher correspondant qui vient de quitter ce monde, M. Francis chapalain (alias Yann guirec à qui je rends hommage) préférait celle, plus poétique à son goût très sûr et très fin, d'"au souffle du jour". Je ne prendrai pas parti dans cette querelle bizantine, mais vous propose un autre angle d'approche : ce serpent qui parle, objet de tous les ressentiments de notre ami qui considère que nous bâtissons une théologie sur un conte à dormir debout si nous faisons parler les serpents, suggère à l'homme, pour l'induire en tentation, que dieu ne veut pas que nous mangions du fruit défendu parce qu'après en avoir consommé, nous serions comme Lui, "connaissant le bien et le mal". Or je risque cette hypothèse : et si dieu n'avait pas voulu connaître le mal, raison pour laquelle Il aurait interdit à l'homme de manger de ce fruit...

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  14. Je veux dire : s'il avait bien sûr été dans la Toute-Puissance de dieu de connaître le mal, s'Il avait connu le mal en puissance, pour reprendre l'une des plus célèbres distinctions de "LA PHYSIQUE" de votre cher Aristote, mais qu'en acte, il eût délibérément choisi de ne pas en connaître, raison pour laquelle Il aurait demandé à l'homme de ne pas le faire entrer dans ce conflit dualiste et catégoriel en mangeant du fruit d'une connaissance incomestible, dans l'acte de laquelle Il aurait été obliger d'entrer si l'homme transgressait son commandement de ne pas se la donner, afin qu'il n'arrivât pas cette chose impossible que la créature en sût plus que le Créateur... A l'origine, on n'a vu Dieu que bénir, que voir le bien, car Il est le souverain bien. Et le mal n'est pas l'autre face du bien : il est ce qui manque au bien, en bonne théologie thomiste. Rien n'est plus contraire à la nature de Dieu que le mal, a dit en substance benoît XVI dans son discours de Ratisbonne. Dieu n'est pas duel, Il est trine, c'est notre raison qui est devenue dialectique à la suite du péché originel. Après Antonin Artaud, nous aurions envie d'"EN FINIR AVEC LE JUGEMENT DE DIEU", car ce Jugement nous assaille de trop haut, comme s'il était à la fois trop grand pour nous et trop petit pour Dieu. Dieu n'a pas envoyé son fils pour nous juger, Il ne veut peut-être pas nous juger bien que nous soit promis un Jugement Dernier, général et particulier, et nous avons tellement peur du jugement de Dieu que nous voulons en sortir. On nous dit (via saint-Jean de la croix) que nous serons jugés sur l'amour. Or il semble que l'Amour ne Juge personne. Nietzsche a peut-être touché quelque chose de juste dans son "PAR-DELA LE BIEN ET LE MAL" en s'apercevant sans s'en apercevoir que la trinité impliquait de sortir de cette logique morale et duelle. Quant à nous, comment expliquer que nous soyons à la fois anthropologiquement incapables de dépasser la peur du jugement qui se cache derrière la volonté de ne pas être jugés dès qu'il s'agit de notre personne, l'impossibilité de ne pas juger les autres et l'espèce de certitude presque trop immanente que le Jugement est trop petit pour Dieu, Qui ne saurait souffrir de perdre aucune de ses créatures qu'Il a fait surgir du néant et à qui Il a donné la croissance et l'être ? Encore et toujours des questions qui diffèrent peut-être d'autant le "grand soir" d'une authentique conversion. Et pourtant, des questions existentielles aussi bien qu'essentielles à cerner autant qu'il est possible ce Mystère qu'est notre humaine condition. Nous sommes notre principale source de cécité, et cela ne vient pas seulement de ces aveuglements volontaires qui résultent de notre peur d'y voir clair, de ces points de blocage singuliers qui sont nos fatalités particulières !

    J. WEINZAEPFLEN

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